SNCF et territoires : repenser les derniers kilomètres en mobilité durable 

Si le train offre une solution écologique pour relier les villes, l’étape finale du voyage pour rejoindre un lieu touristique ou un hébergement est encore peu développée. Une étude récente montre que ce manque de praticité pour se déplacer une fois arrivé en gare est un frein au choix du train comme mode de transport principal pour les déplacements de loisirs (1). Le dernier kilomètre est le maillon faible du parcours de mobilité en train.

En Nouvelle-Aquitaine, le réseau régional compte 325 gares implantées partout sur le territoire, offrant un excellent maillage entre les destinations. Les quelque sept cents liaisons journalières représentent un potentiel d’affluence conséquent pour les destinations touristiques du territoire. 

Ce projet présente plusieurs défis qui nécessitent une approche méthodique, en commençant par bien définir le problème avant d’explorer les solutions.

(1) “Les Français et l’usage du train” – Avril 2023 – Harris Interactive pour Réseau Action Climat France

Embarquer des territoires pilotes

Dès le lancement du projet, l’ambition est de générer des concepts suffisamment aboutis pour alimenter une phase d’expérimentation. La priorité est donnée à une ou plusieurs lignes de TER de la région. Il s’agit d’identifier des destinations intéressées pour participer. La démarche collaborative suppose de partager leurs enjeux et leurs stratégies avec d’autres destinations.

Avec l’équipe projet, nous ciblons quatre destinations touristiques qui présentent des caractéristiques intéressantes et complémentaires. Nous leur présentons la démarche qui fait rapidement écho à des projets locaux dont l’objectif est d’améliorer l’attractivité. 

Val de Garonne Agglomération (Marmande), Landes Atlantique Sud (Saint-Vincent de Tyrosse), la communauté de communes de La Vallée de l’Homme (Lascaux) et la communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais (Saint-Emilion) rejoignent ainsi le collectif !

Avant d’organiser une rencontre, nous proposons aux représentants des territoires de remplir une fiche récapitulative qui présente ses offres touristiques : lieux, publics cible, solutions de mobilité disponibles et défis en la matière. La mise en avant de la singularité de chacun et les points communs permet de créer des rapprochements essentiels pour la suite du projet.

Maintenant que les territoires pilotes ont fait connaissance, nous avons besoin d’un fil rouge pour guider la réflexion sur les leviers et contraintes des différents terrains de jeu. 

Le dénominateur commun entre les territoires est qu’ils accueillent tous des touristes. C’est donc logiquement que nous travaillons avec le groupe pour définir des personas. L’exercice consiste à déterminer les principaux profils d’utilisateurs en décrivant les comportements et les besoins associés en matière de mobilité de loisirs.

Chaque territoire partage les caractéristiques de ses publics. Le groupe procède ensuite à un travail de catégorisation pour faire ressortir des variables comportementales les plus parlantes. Des profils sont construits à partir de ces caractéristiques. 

Au-delà des stricts aspects liés à la mobilité, ils identifient la notion de composition de groupe – en famille, entre amis, en couple – ou les motivations parmi la détente, la découverte et les activités. 

La notion de handicap situationnel est ajoutée : voyager avec une poussette, ne plus avoir de batterie sur son smartphone, etc.

La variable budgétaire n’est pas identifiée comme prioritaire, au profit d’autres variables, comme le rapport au temps (celui qui optimise son temps ou souhaite flâner) ou la considération de l’impact écologique dans ses choix de modes de transports.

Cette réflexion aboutit à la définition de 6 archétypes voyageurs qui couvrent une large palette de besoins associés aux publics cibles qui fréquentent ces territoires.

L’attractivité d’un territoire repose sur sa capacité à mettre en avant ses atouts tout en répondant aux attentes des visiteurs. Le défi est de valoriser les sites remarquables en tenant compte des profils de touristes et de leurs attentes, tout en intégrant les spécificités locales.

Avant la journée collective, chaque territoire sélectionne les profils voyageurs prioritaires, qui vont servir de point de départ à la réflexion collective. Le jour J, les participants sont répartis en groupes constitués autour de chaque territoire.

Relier les points d’intérêt touristiques du territoire

Pour débuter, les participants listent les lieux touristiques remarquables du territoire. En s’appuyant sur les attentes des cibles prioritaires, des itinéraires touristiques qui relient ces points d’intérêts sont tracés sur une carte. Cet exercice permet de révéler les points d’interconnexion nécessaires entre le train et les destinations locales, tout en mettant en lumière les lacunes actuelles des solutions de mobilité.

Présenter les parcours identifiés

Les groupes présentent ensuite le fruit de leurs réflexions. C’est l’occasion d’alimenter le débat et de mettre en évidence des liens entre les spécifications qui commencent à émerger.

Confronter les parcours à l’existant et aux solutions de mobilité disponibles

Une fois les parcours définis dans leurs grandes lignes – avec un point de départ et des étapes clés – il est nécessaire de les confronter aux infrastructures et services de mobilité en place ou existant sur le marché. L’enjeu est de dresser un état des lieux précis pour identifier les forces à valoriser, les points à optimiser et les lacunes à combler afin de garantir des trajets cohérents et accessibles.

En reprenant les parcours identifiés, les groupes mettent à plat les points forts, les axes d’amélioration, ainsi que tout ce qui est manquant à ce jour sur le territoire pour envisager des solutions viables.

En superposant l’expérience à proposer aux touristes avec cet état des lieux, plusieurs alternatives de solutions sont alors examinées. Chacune d’entre elles est décrite en termes d’avantages et d’inconvénients, de coûts associés, de délais de mise en œuvre, etc.

Détailler les services à hauteur d’usager

Une fois les parcours définis de manière globale, il devient nécessaire d’en détailler un avec précision. L’enjeu est d’identifier les étapes exactes, les services à mettre à disposition et les modes de transport adaptés pour assurer les liaisons entre elles. 

Grâce à toute la matière collectée, nous identifions un parcours à traiter en détail pour chaque destination. Ce travail demande un changement d’échelle : il ne s’agit plus seulement de penser en termes de grandes connexions, mais d’analyser le parcours à hauteur d’usager, rue par rue. Chaque portion, chaque infrastructure existante ou manquante doit être prise en compte pour proposer une solution combinée qui soit crédible et viable.

Les participants valident tout d’abord les points d’étapes qui accueilleront des services à proposer aux voyageurs sur place. Les services proposés sont placés sur la carte, permettant d’avoir une vision fine du parcours touristique : casiers connectés, service de transfert de bagage, parkings à vélo et stations de réparation, signalétiques et cartes balisées, informations, etc. Les modes de déplacement proposés pour réaliser la liaison entre ces points d’étape sont ensuite définis.

Décrire l’offre à proposer

Une fois l’expérience ainsi détaillée, les participants affinent les caractéristiques de l’offre associée (description, commercialisation, fonctionnement, saisonnalité, indicateurs).  

La dernière étape collégiale amène enfin les participants à s’interroger sur les différentes parties prenantes qui devront être consultées pour la mise en place du prototype. Un listing systématique des rôles et des responsabilités à faire intervenir dans les phases de déploiement est généré. Ceci vise à assurer la prise en compte des spécificités de chaque dispositif défini par les groupes de travail : le projet envisagé, les zones concernées par des aménagements, les autorisations nécessaires, etc.

Un livret pour synthétiser toute la réflexion

L’accompagnement ne s’arrête pas à l’émergence et la mise en forme progressive d’idées. L’enjeu est de produire un document clair et structuré qui rassemble les analyses et décrit les solutions imaginées.

Nous reprenons tous les livrables produits et mettons au propre toute l’analyse sur le prototype de mobilité décarbonée en liaison avec le train, les services proposés et l’offre imaginée.

Ainsi, chaque territoire dispose de toute la documentation nécessaire pour initier la suite du processus : présentation de leur analyse, description du concept, partage avec les autres parties prenantes, montage d’un dossier de subvention, etc.